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Gouvernance

Les systèmes d’acteurs organisant le processus d’attribution sont relativement diversifiés dans les pays étudiés même s’ils se limitent en général au couple entreprise de logement social / Commune (Allemagne, Pays-Bas, Irlande, Royaume-Uni, Suède, Danemark).

De façon générale, plus les fonctions de sélection et d’attribution sont dissociées, plus le nombre d’acteurs impliqués dans le processus d’attribution est important et leur statut diversifié (Italie, Luxembourg, France).

Par ailleurs, l’implication des locataires en place est une réalité en Italie et tend à se développer au Danemark et au Royaume-Uni.

Ainsi, avons nous identifié quatre systèmes d’acteurs dans le processus d’attribution des logements sociaux :

- Commune / Entreprises de logement social : (Allemagne, Pays-Bas, Irlande, Suède)

- Commune / Entreprises de logement social / Locataires (Italie, Danemark, Royaume-Uni)

- Commune / Entreprises de logement social / Acteurs sociaux (Luxembourg)

- Etat / Commune / Entreprises / Entreprises de logement social (France)

Les relations communes / entreprises de logement social sont quasi-exclusives en Allemagne, Pays-Bas, Irlande, Suède. C’est en effet entre ces deux acteurs que s’organisent les processus d’attribution selon des modes relationnels très différents, basés sur la loi et la contrainte en Allemagne (une des clauses du conventionnement des logements sociaux), sur le conventionnement de type contrat d’objectif aux Pays-Bas et en Irlande ou sur la négociation en Suède.

La participation des locataires dans les processus d’attribution est une réalité en Italie, au Danemark et plus récemment au Royaume-Uni. En Italie, un représentant des locataires participe à la commission indépendante d’attribution, au côté du représentant de l’entreprise de logement social et de la Commune. Son rôle est de veiller au bon déroulement du processus de constitution de la liste d’attente et au respect des droits des demandeurs. Toutefois, le garant du respect des procédures reste le Magistrat qui préside cette commission d’attribution.

Au Danemark et au Royaume-Uni, l’intervention des locataires relève de la défense de leurs propres intérêts et non de ceux des demandeurs. Au Danemark, ils sont consultés pour toute attribution concernant des ménages dont le comportement social est susceptible de poser des problèmes de voisinage ou d’impayés. Dans ce cas, la commune se porte garante pour le loyer et promet de reloger le ménage en cas de problèmes de voisinage.

Au Royaume-Uni, les locataires ont obtenu une période de mise à l’épreuve d’un an pour les nouveaux locataires avant la conclusion d’un bail à durée indéterminée. Cette mesure récente en voie d’extension, pose cependant quelques problèmes d’application, notamment quant aux critères de sélection et de jugement du comportement social du candidat.

L’attribution des logements sociaux au Luxembourg s’opère selon un modèle original de commission indépendante d’attribution constituée d’acteurs très différents et généralement absents des procédures d’attribution des autres pays étudiés. La Commission d’attribution qui a pour objet de constituer la liste d’attente et de proposer au bailleur une liste de trois candidats prioritaires par logement est en effet constituée de représentants du centre médico-social, du service d’aide sociale, du service de l’immigration, du bailleur (Fonds du logement à coût modéré), d’experts éventuels (à la demande des autres représentants), de la commune concernée (si la commune est partie prenante à l’opération).

Cette large représentativité au sein de la commission d’attribution est censée refléter l’ensemble des sensibilités et des services concernés par l’attribution de logements sociaux. De par sa fonction, cette commission constitue le principal réservataire de logements sociaux au côté des associations qui assurent un suivi social des ménages en difficulté.

Les questions de mixité sociale et de peuplement sont au cœur des réflexions prospectives des principaux acteurs européens du logement social. Il apparaît notamment au terme des auditions et de la comparaison des critères d’accès au logement, que les marges de manoeuvre des entreprises de logement social restent très étroites, sinon inexistantes.

Dans certains pays, l’entreprise de logement social est totalement dessaisie de sa politique d’attribution (Italie : attribution directe par la commission autonome d’attribution et par les différents réservataires), voire fortement limitée dans son choix par le système de réservation-nomination (100 % des logements en Allemagne et au Luxembourg, contingent minimum de 50 % au Royaume-Uni pouvant être étendu par convention à 100 %, permis d’habiter dans certaines villes hollandaises).

Ces exemples illustrent le haut niveau de contrôle des attributions dans les Etats membres étudiés et pose le problème de la gestion de la mixité sociale et du peuplement une fois les logements attribués par des systèmes de réservation ou de classement par points.

Il convient ici de relativiser quelque peu la problématique en intégrant les remarques suivantes :

- l’effet taille du patrimoine, la mobilité des locataires et la structure par âge du parc. Plus la taille du patrimoine et son âge moyen est élevé, plus la capacité d’absorption des plus démunis et des ménages prioritaires est importante. Cela est particulièrement vrai aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

- un grand nombre d’Etats membres ne prend pas en compte, dans les critères d’inscription, de revenus plafonds (Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Danemark, Suède, Royaume-Uni). En dépit d’attribution selon des critères de priorité et de système de réservation, la capacité d’équilibrer socialement les attributions reste possible. Mais en aucun cas, l’absence de plafonds de ressources ne peut être associée à l’absence de mission sociale, comme en témoignent les exemples du Royaume-Uni et de l’Irlande.

- le verrouillage des attributions peut être compensé par d’autres formes de souplesse. Ainsi, en Allemagne, existe-t-il trois régimes de logements sociaux auxquels correspondent trois niveaux de plafonds de revenus, le troisième régime, aujourd’hui le plus utilisé, étant construit sur la base d’une libre négociation de l’ensemble des paramètres, y compris des revenus des locataires, entre les investisseurs et le représentant du Land ou de la commune.

Par ailleurs, le conventionnement des logements sociaux est temporaire et la durée moyenne de conventionnement est passée de 35 ans à 10 ans, voire moins pour les nouveaux programmes. Les contraintes d’attribution disparaissent avec le conventionnement. Le conventionnement peut être racheté avant terme ou simplement transféré d’un logement à un autre en cas de déséquilibre de peuplement. On considère également que certains types de ménages sont « non conventionnables », dans le sens où, en dépit du système d’attribution, il est difficile de les faire accepter par les investisseurs en raison de leur profil.

Pour ce type de population, des systèmes spécifiques de « garanties communales » ou de « droits d’occupation » sont mis en œuvre par les Communes.

- la question de la mixité sociale renvoie aussi à celle du risque financier pour l’entreprise de logement social (impayés). Dans un grand nombre d’Etats membres, la réservation communale pour les cas les plus urgents et difficiles s’accompagne d’une garantie communale de paiement du loyer en cas d’impayés (Danemark, Suède, Allemagne pour les droits d’occupation). Dans d’autres pays, les systèmes d’aides personnelles au logement couvrent jusqu’à 100% du loyer pour les personnes démunies relevant de l’aide sociale (Royaume-Uni, Irlande). Ces mécanismes de prise en charge intégrale du risque d’impayés par l’autorité publique participe d’une claire répartition des rôles et des responsabilités entre l’entreprise de logement social et l’autorité publique, notamment en cas de mission très sociale où le risque économique est porté par l’autorité publique et non transféré sur l’entreprise de logement social à charge pour elle de procéder aux péréquations nécessaires au sein de son propre patrimoine.

- la question de la mixité sociale, qui se base sur l’équilibre du peuplement, est toute relative et dépend de la mission que se sont fixée les organismes de logement social. Au Royaume-Uni, 50% des réservations communales sont affectées au relogement des sans-abri officiels, soit 25% de l’ensemble des attributions des Housing Associations. Loin de s’en plaindre, certaines Housing Associations portent ce taux de réservation à 100% ou contribuent sur le contingent de logements sociaux non réservé par la Commune, au relogement des sans-abri non reconnus comme tel par la loi.

- la mixité sociale peut être aussi un impératif économique, notamment dans les systèmes où les loyers sont fonction des revenus des locataires comme en Belgique et en Italie. Alors que les législateurs régionaux ont resserré les dispositifs, des portes de sorties ont été laissées ouvertes de façon à préserver certains instruments de rééquilibrage social et économique.

- enfin et surtout, la sensibilité des bailleurs à la question de la mixité sociale dépend de la nature de leur patrimoine et de l’évolution de sa vocation. Les constats de paupérisation des ménages en place, l’érosion progressive de leur vocation généraliste, la dérive des grands ensembles de logements sociaux, sont autant de facteurs contribuant à l’émergence de cette problématique de mixité sociale et de communautés durables.

Ces quelques remarques démontrent, s’il en était besoin, la complexité de la question de la mixité sociale et du peuplement et la diversité des paramètres qui interfèrent sur le résultat final. L’attribution n’est qu’un des termes de l’équation.

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