Parce que l’avenir du logement social se joue aussi à Bruxelles

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Le logement social face aux crises des marchés et de la dette. Euro benchmark

Les modèles économiques des bailleurs sociaux européens sont profondément affectés par la double crise du marché du logement et de la dette souveraine.
Schéma d’une rupture de continuité d’un service public en cinq actes.

Le logement social est confronté à une double crise : une crise du marché avec sa défaillance à satisfaire les besoins en logements et à les financer d’une part, une crise des états et leur incapacité à poursuivre leur pratique de déséquilibre budgétaire structurel et d’accumulation de dettes d’autre part.

Alors que les besoins en logements sont croissants et que les dépenses d’aides personnelles au logement explosent, la capacité d’intervention des bailleurs sociaux sur le marché du logement est remise en cause par la contraction brutale des budgets alloués à la politique du logement.

Cette vulnérabilité des modèles économiques du logement social croit avec leur dépendance aux fonds publics et aux financements d’origine bancaire.

Acte I : Contraction des budgets alloués au logement social

Le cas de l’Angleterre est le plus radical en matière de coupes budgétaires. Avec une baisse de 63% du budget de promotion de nouveaux logements sociaux et une réforme en profondeur du Housing benefit (APL), le modèle économique est à repenser dans ses fondamentaux. D’autant que l’intervention des banques dans le financement des investissements était directement liée à l’importance de l’aide à la pierre (40% du coût du logement) et à la quasi garantie de paiement de loyer par une aide à la personne couvrant, en tiers payant, 100% des loyers pour 70% des locataires. L’intégration du « Housing benefit » dans une aide sociale unique, plafonnée mensuellement, et versée directement aux locataires, met un terme à cette garantie publique de fait. La baisse des aides à la pierre s’accompagne d’une réforme de la politique des loyers et leur progression à hauteur de 80% des valeurs de marché, y compris dans les zones tendues.

Il en va de même en Ecosse avec une baisse de 40% du budget d’investissement en logement social et la réduction du taux d’aide par logement qui remet également en question le cofinancement des programmes d’investissement par les banques.

Au Portugal, la forte réduction des budgets de l‘Etat a conduit à un arrêt brutal des programmes de logements, à l’interruption des versements des fonds publics sur les projets engagés et au retrait des banques du financement complémentaire.

L’Autriche n’est pas épargnée par ce mouvement : la baisse de 20% du budget du logement social s’accompagne d’une explosion de l’aide à la personne (+30% en deux ans).

Les organismes italiens ironisent quant à eux sur l’absence d’impact de la crise, car « il n’y a plus rien à réduire ». A noter cependant le développement des pratiques de retard de paiement de l’Etat sur les programmes engagés et la suppression de l’aide à la personne en secteur locatif.

Quant à la Pologne, le fond national du logement vient d’être supprimé ainsi que la prime à l’investissement couvrant 40% des programmes de logements sociaux.

Acte II : révision des dispositifs fiscaux

Le régime de TVA à taux réduit n’est pas épargné par le processus de réforme. En Italie le taux réduit a été supprimé au profit d’une TVA à 21%. Les villes italiennes revendiquent quant à elles la fin de l’exonération de la TFPB pour le logement social.

L’Espagne se démarque toutefois par une mesure d’urgence, à caractère temporaire, consistant à introduire un taux de TVA de 4% sur les transactions immobilières en réponse à la crise de l’immobilier et aux conséquences du crédit crunch.

La Suède envisage d’appliquer une TVA sur les loyers mais se heurte à la nécessaire réforme de la directive communautaire. L’exemption d’impôt sur les sociétés a été supprimée en Pologne pour les sociétés communales de logement social (TBS).

Acte III : Crédit crunch et le retrait des banques du financement du logement social

Aux Pays-Bas, la baisse du crédit hypothécaire en direction des ménages a engendré une chute brutale de l’accession sociale et par conséquent une moindre mobilité entre le parc locatif social et l’accession. Mais le crédit crunch touche également les organismes de logement social et pose la question de la limite d’un modèle économique fondé sur la mobilisation des banques. Les organismes de logement social s’orientent vers des formules d’accès direct aux marchés des capitaux. Standard and Poor’s vient d’attribution la note « AA stable » au premier organisme de logement social hollandais candidat à la nécessaire notation pour y accéder.

Au Portugal, la sinistralité en accession à la propriété explose, +350% en un an. 150.000 ménages devraient être expulsés en 2012 suite aux procédures de repossession engagées par les banques.

L’Italie et la Pologne sont également confrontées à une forte progression de cette sinistralité, ainsi qu’en Angleterre, notamment en accession sociale partagée (shared ownership).

Acte IV : Restructuration des bailleurs sociaux

Ces évolutions contribuent à accélérer le processus engagé de restructuration du tissu des bailleurs sociaux.

En Espagne, on annonce une diminution de 30% du nombre de bailleurs sociaux en raison des difficultés financières rencontrées.

Il en va de même au Portugal, où il est question de « remunicipaliser » les sociétés communales de logement en difficulté alors que l’Italie s’oriente vers un regroupement au niveau régional des bailleurs sociaux publics provinciaux et locaux.

Au Royaume-Uni et en Irlande, les fusions et regroupements des bailleurs sociaux agréés sont également d’actualité face aux difficultés financières croissantes.

La levée de fonds sur le marché financier justifie également ces regroupements et fusions, à l’exemple des organismes de logement social hollandais.

Autre conséquence de cette rupture de continuité, la compression de personnel dans les départements de promotion des organismes de logement social, notamment au Portugal, en Autriche, au Royaume-Uni et en Espagne.

Acte V : Valorisation patrimoniale

La valorisation du patrimoine par le développement de sa vente aux ménages occupants ou à des investisseurs tiers est également une option en présence.

Aux Pays-Bas, le gouvernement souhaiterait mettre en vente un million de logements sociaux à leurs occupants et taxer les bailleurs sociaux sur le produit de la vente à concurrence de 800 millions d’euros par an, afin de financer l’aide à la personne et les programmes de renouvellement urbain.

En Allemagne, de nombreuses villes en difficultés financières ont déjà vendus leurs sociétés communales de logement à des fonds d’investissements internationaux, principalement américains et japonais. Le Fond de pension Annington est ainsi devenu le premier propriétaire bailleur d’Allemagne avec 150.000 logements en portefeuille.

La Pologne n’est pas épargnée par ce processus avec l’adoption d’une loi sur vente intégrale du parc de logement social des TBS, sociétés communales de logement.

En Espagne, le sauvetage des organismes de logement social en difficulté passe également par la vente du parc locatif social.

Quelle alternative ?

Existe-t-il une alternative à cette rupture de continuité du modèle économique du logement social ?

Avec une faible pression de la demande en raison du déclin démographique et l’absence de crédit crunch, l’Allemagne semble être épargnée par la crise, entre des zones en dépression ou règnent la vacance et la démolition à grande échelle et quelques capitales régionales à plus forte tension où la régulation des loyers tempère la volatilité des prix (en moyenne 5 euros par m2 par mois).

En Belgique, les régions flamandes, wallonnes et Bruxelles capitale poursuivent quant à elles leurs efforts budgétaires de développement de l’offre de logements sociaux par un système de contournement des banques et d’emprunt direct auprès des marchés par les sociétés régionales du logement.

L’indépendance de ces deux modèles économiques vis à vis du secteur bancaire explique pour partie la continuité de la politique publique du logement.

Quid de la France dans le concert européen ?

Il en va de même en France. Il y a quelques années, le système de financement du logement social par le livret A était qualifié d’anachronique et de dépassé par un rapport très officiel, face à la banalisation du financement du logement social chez nos voisins et au relais pris par les banques, notamment au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Espagne.

Aujourd’hui, ce mode de mobilisation de l’épargne des ménages via la Caisse des Dépôts et Consignations, au profit du logement social nous est envié par les organismes de logement social européens, y compris par les autrichiens qui tentent de le développer à l’échelle locale.

Ce système, couplé à une mobilisation de ressources extra budgétaires (contribution des employeurs à la politique du logement, mobilisation des fonds propres des organismes d’Hlm) a en effet permis de garantir une continuité du service public du logement social en France face à la crise et de poser les termes du débat sur l’évolution de son modèle économique en dehors de toute précipitation et de rupture d’équilibre.

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