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LOGEMENT SOCIAL

Pays-Bas

Remise en cause du principe d’accès universel de la loi sur le logement de 1901

La capacité de l’Union européenne à remettre en cause un système de logement social d’un Etat-membre est dans ce cas précis explicite.

Non seulement, la Commission européenne considère que la définition néerlandaise du logement social établie dans la loi de 1901 relève d’une « erreur manifeste de qualification du service d’intérêt général du logement social », mais elle demande aux Pays-Bas de procéder à la vente des logements sociaux ne répondant pas à cette qualification de service d’intérêt général et étant considérés par la Commission « en surcapacité ».

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Le cas d’espèce

En réponse à une notification du gouvernement, la Commission européenne a en effet conditionné la conformité du système de financement du logement social hollandais au respect d’un principe de base établi en 2001 sur le cas de l’Irlande .

En effet, la Commission européenne n’a pu que constater en réponse à la notification que « les corporations de logement sont tenues lors de la location de logements sociaux d’accorder la priorité aux personnes trouvant difficilement un logement adapté du fait de l’insuffisance de leurs revenus ou d’autres circonstances. »

Mais la Commission européenne a constaté également que « leurs activités de logement ne restent pas non plus limitées aux socialement défavorisés. En cas de surcapacité de logements sociaux, les corporations de logement louent les logements sociaux à des personnes bénéficiant de revenus plus élevés, les concurrents commerciaux non bénéficiaires de l’aide publique étant ainsi défavorisés ».

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L’erreur manifeste d’appréciation en question

Et d’en conclure que « la possibilité de louer des logements sociaux à des groupes aux revenus plus élevés doit être considérée comme une erreur manifeste du service d’intérêt général du logement social » d’autant que l’aide publique, limitée à une garantie publique de second rang et à une défiscalisation des Corporations de logement, est réservée à ces seules Corporations ce qui induit une distorsion de concurrence vis-à-vis de leurs concurrents sur le marché du logement.

Compte tenu du fait que le service d’intérêt général dispose d’un caractère social, « la définition des activités des corporations de logement doit donc conserver un lien direct avec les ménages socialement défavorisés et non pas uniquement avec la valeur maximum des logements ».

La Commission européenne estime ainsi clairement « que la location de logements aux ménages autres que socialement défavorisés ne peut être considérée comme un service d’intérêt général  ».

Et de conclure en ces termes : « une surcapacité excessive et structurelle des logements sociaux doit donc être évitée par la vente de ces logements sociaux, et la surcapacité doit rester limitée à un pourcentage réduit de l’ensemble de ceux-ci  ».

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Une erreur manifeste d’erreur manifeste ?

Si la Commission européenne est effectivement compétente en matière de contrôle de l’erreur manifeste de la qualification de service d’intérêt général, son analyse du « caractère social » du service d’intérêt général remet en question le principe d’accès universel applicable aux services sociaux définis par les Etats-membres et plus globalement aux services d’intérêt général dans l’Union européenne. Elle entre également en tension avec le principe de subsidiarité et la libre définition des services d’intérêt général par les Etats-membres et les autorités publiques compétentes.

Mais la décision qui découle de ce jugement de l’erreur manifeste consistant à exiger des Corporation de logements de vendre les logements sociaux dit en surcapacité excessive et structurelle est abusive et orientée idéologiquement.

Aucune disposition du droit communautaire n’interdit à une entreprise de logement social de gérer à la fois des logements sociaux sous obligations de service public et des logements libres de toute obligation spécifique. Dès lors que les dispositions de la directive transparence sont respectées, à savoir le tenue d’une comptabilité séparée entre les deux activités et l’affectation exclusive des aides d’Etat sous forme de compensation au segment d’intérêt général, l’obligation de mise en vente est injustifiée et disproportionnée.

Par ailleurs, dans un contexte de quasi suppression des aides d’Etat au logement social aux Pays-Bas, la péréquation financière est nécessaire afin d’assurer la continuité du service d’intérêt général du logement social et la production de nouveaux logements sociaux à prix abordables.

La Commission européenne l’admet ensuite dans sa décision en affirmant que les Corporations de logement hollandaises peuvent louer sur le marché du logement un pourcentage admissible de logements sociaux dit en surcapacité au titre du service d’intérêt général dès lors que les bénéfices de cette activité sont réaffectés au financement de la mission d’intérêt général et viennent par conséquent en déduction des aides d’Etat nécessaires au titre de la compensation.

Toutefois, la Commission ne précise pas cette notion de pourcentage admissible mais cette possibilité offerte introduit une certaine marge de manœuvre dans la définition du périmètre du service d’intérêt général du logement social et dans la délimitation de la frontière entre les activités relevant du service d’intérêt général et celles relevant du service d’intérêt privé.

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Négociation d’un seuil unique de 33.000 euros

En réponse à cette injonction et après plusieurs années de négociations avec les services de la Commission, le gouvernement hollandais a proposé une réforme du logement social par l’introduction d’un plafond de revenu unique de 33.000 euros par ménage et l’attribution de 10% de l’offre nouvelle hors plafonds mais sous critères objectifs de priorité .

Ces propositions du gouvernement hollandais ont été acceptées par la Commission par décision du 15 décembre 2009 et devaient être mise en œuvre au 1er janvier 2010.

Les élections législatives et la nomination d’un nouveau gouvernement de coalition ont reporté l’entrée en vigueur de cette réforme au 1er janvier 2011.

Les bailleurs sociaux, locataires et collectivités locales, demandent au gouvernement de rouvrir les négociations avec la Commission européenne.

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Vers une renégociation des conditions d’accès au logement social ?

Sur pression de plusieurs élus de grandes villes, le gouvernement envisagerait en effet de réouvrir les négociations avec la Commission européenne et de proposer de nouveaux critères d’accès au logement social plus pertinents que le plafond de revenus de 33.000 euros négocié fin 2009.

Ce plafond uniforme s’avère totalement inadapté à la disparité des marchés locaux du logement en termes de prix, de revenus effectifs des ménages et de conditions minimales d’accessibilité à l’offre de logements privés alternatives au logement social pour les classes moyennes.

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Entre deux chaises

Selon une étude indépendante d’un centre de recherche universitaire intitulée "Tussen wal en ship", 650.000 ménages néerlandais seraient laissés sur le carreau suite à cette décision, "entre le quai et le bateau" selon l’expression locale.

En incapacité d’envisager toute mobilité résidentielle, ces 650.000 ménages seraient à la fois "trop riches" pour accéder au logement social compte tenu du niveau de plafond de revenus négocié avec la Commission, mais ils seraient également "trop pauvres" pour accéder à un logement privé aux conditions présentes sur le marché.

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Comment négocier un plafond de revenus sans une réelle connaissance des marchés locaux du logement ?

Nous retiendrons de ce cas d’espèce le fait que la Commission ne fonde pas son appréciation de l’erreur manifeste de qualification de SIEG sur une analyse des besoins réels en logements dans l’Etat-membre concerné et sur le degré avéré de défaillance de ces marchés locaux du logement, mais en référence à la définition ex ante d’un groupe cible définissant en lui-même le périmètre d’intervention du logement social indépendamment des conditions de déséquilibres des marchés.

Le Tribunal de la Cour de Justice de l’UE devrait arbitrer ce cas d’espèce courant 2012 suite à la procédure engagée par un collectif de fondations de logement social hollandaise Affaire T-202/10 fondations de logement social contre Commission.

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En savoir plus :

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