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LOGEMENT SOCIAL

Suède

Garantir l’accès universel au logement social : la stratégie des acteurs suédois

Selon deux plaintes déposées à la Commission européenne par la Fédération européenne de la propriété immobilière, les aides d’Etat accordées aux sociétés communales de logement, pour faire face aux restructurations des sociétés dans les marchés régionaux en dépression ou pour développer l’offre de logements accessibles dans les marchés tendus comme dans la région de Stockholm, ne sont pas compatibles avec les règles de concurrence et doivent être remboursées.

En effet, la Suède ne qualifie pas explicitement ces sociétés communales de logement d’entreprises de logement social, pas plus que le logement public de service d’intérêt général du logement social.

Il s’agit d’une conception universelle du logement social, ouverte par définition à l’ensemble de la demande et ayant pour vocation de réguler le marché du logement et de faire obstacle à la spéculation immobilière.

En effet, l’organisation du marché du logement suédois est caractérisée par l’existence d’une offre de logements locatifs publics fournie sans plafond de revenus par des sociétés communales de logement détenues à 100% par les collectivités locales.

La particularité de ce système réside dans le fait que les négociations des évolutions annuelles des loyers dans ce parc public entreprises entre les sociétés communales de logement et les associations de locataires, servent de base à la définition par les tribunaux d’une indexation des loyers dans le parc locatif privé.

Si les communes disposent d’un droit de réservation sur une partie du parc de logements afin de loger des ménages en difficulté, l’accès au logement public ne fait pas l’objet de critère spécifique d’attribution mais d’une simple gestion de listes d’attente en fonction de la date d’inscription.

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3 options face à la pratique décisionnelle de la Commission

La commission parlementaire ad hoc désignée par le gouvernement afin de proposer des éléments de réponse à la mise en demeure de la Commission européenne a émis trois options possibles :

1. circonscrire le système communal de logement au périmètre du logement social tel que développé par la Commission européenne de façon à résoudre la question des aides d’Etat dans le cadre de la compensation d’un service d’intérêt général de logement social réservé au groupes sociaux défavorisés,

2. mettre en place un système mixte de logements publics communaux – logement social + logement public ouvert –, en introduisant une frontière entre les deux segments et en limitant les aides d’Etat au segment du logement social (qualification partielle de service d’intérêt général et séparation comptable des deux activités),

3. maintenir un système ouvert de logement public communal hors SIEG, pleinement intégré au marché, mais ne bénéficiant plus d’aucune aide d’Etat spécifique et respectant le principe d’égalité de traitement vis-à-vis des acteurs privés présents sur ce marché.

Sur la base de ces trois options, un consensus s’est dégagé autour de cette dernière solution, la notion de logement social réservée aux groupes sociaux défavorisés étant étrangère à la culture et aux traditions universalistes de l’intervention de la puissance publique dans le marché du logement.

Cette solution est en effet la plus proche de la réalité et du rôle effectif des sociétés communales de logement qui sont des généralistes de l’habitat locatif pour tous. Mais ce positionnement explicite dans le marché du logement en tant qu’opérateur à part entière, interdit de fait tout aide d’Etat spécifique à ce secteur.

En effet, les plaintes des investisseurs privés avaient contesté :

1. la légalité des aides d’Etat ponctuelles versées par les communes suédoises à leurs sociétés de logement en difficulté, notamment dans le nord et le centre du pays en raison de la désertification de ces zones et de la vacance structurelle des logements. Ces aides d’Etat n’ont pas été notifiées par la Suède et elles ne peuvent être justifiées au titre des compensations en raison de l’absence de qualification de service d’intérêt général du logement public communal dans le droit interne suédois,

2. la légalité des aides d’Etat permanentes accordées aux sociétés communales de logement (subventions, garantie publique des emprunts, lucrativité limitée (plafonnement des dividendes versées à la Commune) et de la distorsion de concurrence induite par le système de régulation des loyers dans le parc locatif privé. Ce dernier est en effet basé sur les accords intervenus entre les associations locales de locataires et les sociétés communales de logement dans la fixation des loyers et leur évolution annuelle dans le parc public.

La Commission ayant jugé les deux plaintes recevables, elle a adressé au gouvernement suédois une lettre de mise en demeure sur ces deux cas.

Ce précontentieux communautaire reste très spécifique et s’explique par la particularité du système suédois de régulation du marché locatif basé sur l’existence d’un secteur public du logement pleinement intégré au marché car ouvert à tous et ayant pour objet de réguler le marché locatif privé et non pas de se limiter à satisfaire les besoins en logement des personnes qui en sont exclus ou qui y éprouvent des difficultés d’accès.

Ce système est assimilable de fait à un service d’intérêt général du logement, visant à satisfaire l’ensemble de la demande en imposant une régulation collective par une politique tarifaire fondée sur un accord entre les représentants des locataires et les sociétés communales de logement qui sert de référence aux tribunaux en cas de contentieux sur le marché privé.

Cette politique tarifaire relève bien de fait d’une obligation de service public, de même que les mécanismes d’attribution des logements publics par liste d’attente et non par sélection des risques clients.

Les plaintes de la Fédération européenne de la propriété immobilière adressées à la Commission européenne ont visé, comme souvent, à provoquer un arbitrage interne sous la pression de la Commission en l’absence de toute acceptation de changement par les autorités nationales et par la voie législative classique.

Ainsi, face à l’absence de volonté d’assouplissement du système de régulation des loyers par le gouvernement, la Fédération suédoise de la propriété immobilière, par l’intermédiaire de sa fédération européenne, a utilisé les dispositions du droit communautaire en matière d’aide d’Etat pour justifier la réforme du système au nom des règles européennes de concurrence et s’assurer du soutien de la Commission européenne dans ses fonctions d’autorité de concurrence.

Le nouveau gouvernement conservateur, plus réceptif à ces demandes mais extrêmement prudent quant à leurs conséquences sociales et électorales en cas d’augmentation sensible des loyers, a souhaité qu’une solution interne soit trouvée pour le futur sur la base d’un compromis entre l’ensemble des parties prenantes (fédération des locataires, fédération des sociétés communales de logement et la fédération de la propriété immobilière).

Cette dernière a finalement accepté de retirer sa plainte à la Commission européenne si ses revendications d’assouplissement de la régulation des loyers étaient prises en compte… cqfd

La loi qui est entrée en application au 1er janvier 2011 a procédé à une libéralisation du secteur public du logement en supprimant les droits spéciaux des sociétés communales de logement et en permettant à tout opérateur d’accéder aux aides au logement social.

Par ailleurs, les négociations obligatoires entre les bailleurs publics et les locataires seront étendues aux bailleurs privés de façon à minorer la dérégulation du marché locatif et la progression des loyers.

Il ressort de l’analyse du cas suédois qu’il existe aux côtés d’un service d’intérêt général du logement social défini en référence à la satisfaction d’une demande sociale plus ou moins large (défavorisés, groupes cibles, ménages sous plafonds de revenus), un service d’intérêt général du logement défini en référence à la satisfaction de la demande globale de logement, y compris la demande sociale, par le développement d’une offre publique de logements complémentaire à celle du marché et visant à assurer une forme de régulation tant par les quantités offertes que par les prix de référence.

Il convient également de noter que la conception universelle du « service d’intérêt général du logement suédois » n’a pas empêché le processus de ségrégation sociale et raciale de sévir dans le parc de logement communal.

Le phénomène de relégation dans les grands quartiers périphériques des années 60 et 70 des suédois pauvres et des immigrés existe bien, certes dans un contexte de maintien de la paix sociale et de fort investissement dans ces quartiers.

Mais les questions de ségrégation spatiale, d’accès à la ville et d’intégration économique par l’emploi restent posées pour ces populations malgré la conception universaliste du logement public et le rejet du concept de logement social au nom de la mixité et de la diversité sociale dans l’habitat.

De fait, dans ces quartiers périphériques en banlieue de Stockholm par exemple, la distinction entre service d’intérêt général du logement social et logement d’utilité publique apparaît bien conceptuelle face aux dynamiques de ségrégation spatiale et sociale en présence et à leurs conséquences en termes d’exclusion et d’érosion de la cohésion sociale.

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Les questions en suspend

La suppression des compensations de service public aux sociétés communales de logement, consécutive à la décision du gouvernent de sortir le logement social du SIEG de façon à maintenir son accès universel, commence à poser des problèmes financiers à certaines sociétés de logement.

Situées dans le nord du pays et devant faire face à un taux de vacance élevé, certaines sociétés de logement connaissent des difficultés financières croissantes et ne sont plus autorisées à recevoir des compensations des collectivités locales.

Le gouvernement envisage de substituer aux compensations de service public un régime d’imposition des loyers à un taux réduit de TVA, disposition non prévue par l’actuelle directive TVA en cours de révision.

Une autre option à l’étude consisterait à assigner à ces sociétés communales de logement présentes dans les zones du nord du pays en voie de désertification, une mission d’intérêt général d’aménagement du territoire, en terme d’infrastructure nécessaire à la vie locale, sans dimension sociale particulière de façon à ne pas devoir introduire un plafond de revenus.

Une autre façon de contourner la pratique décisionnelle de la Commission sur les "services publics à caractère social" consiste en effet à ne pas expliciter leur fonction sociale...

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En savoir plus :

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