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Gouvernance

La question de la gouvernance du logement social et plus globalement des services d’intérêt général est peu abordée par le droit communautaire.

Tout au plus l’est-elle par l’exigence de la formulation par un acte légal d’une relation entre les acteurs impliqués qui se réduit à préciser les rôles de chacun et à expliciter les conditions d’exécution de la mission d’intérêt général dans un soucis de transparence, d’égalité de traitement et de non discrimination.

Quatre catégories d’acteurs sont ainsi prises en considération dans la conceptualisation de la gouvernance du service d’intérêt général du logement social en lien étroit avec la question de sa régulation :

- L’autorité publique compétente qui est censée définir le service d’intérêt général du logement social en référence à sa mission d’intérêt général, les obligations de service public qui en découlent, choisir d’exécuter elle-même le service ou de le faire exécuter en chargeant une entreprise de son exécution par mandatement, en lui imposant les obligations spécifiques et en lui octroyant notamment soit des aides publiques sous forme de compensations, soit un droit exclusif pour en assurer le financement ;

- L’entreprise chargée d’exécuter le service d’intérêt général du logement social à laquelle s’applique le droit communautaire du marché intérieur et de la concurrence dès lors qu’il ne remet pas en cause sa capacité effective d’exécuter le service d’intérêt général et d’accomplissement sa mission d’intérêt général. L’entreprise de logement social est ainsi chargée d’exécuter le service d’intérêt général en respectant les obligations de service public qui s’imposent à elle et sur base desquelles elle peut se voir octroyer des compensations ou un droit exclusif afin d’en assurer le financement. Le droit communautaire établit le principe de neutralité quant à la propriété publique ou privée des entreprises et au mode d’exécution des services d’intérêt général par internalisation (régie) ou externalisation (délégation ou concession par un acte officiel). Il établit également les principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination quant aux modalités de mandatement par l’autorité publique de l’entreprise de logement social chargée d’exécuter la mission ;

- Le bénéficiaire du service d’intérêt général du logement social, à savoir les ménages répondant aux critères définis par les obligations de service public, notamment les critères d’accès et d’occupation du logement social et qui doivent être en mesure de participer à la définition du service d’intérêt général, à son évaluation et son adaptation de façon à répondre à l’évolution des besoins d’intérêt général à satisfaire et disposer de voies de recours en cas de non respects de leurs droits ;

- Le régulateur du service d’intérêt général du logement social qui assure le contrôle du bon accomplissement de la mission d’intérêt général, le respect des obligations de service public, le respect des droits des bénéficiaires, notamment en termes de définition et d’évaluation du service d’intérêt général, le développement général du service d’intérêt général dans son marché ainsi que le respect des voies de recours. Il est le garant du respect des droits et devoirs de chacun et de la bonne gouvernance du service d’intérêt général. Cette gouvernance du logement social en tant que service d’intérêt général et la définition de la nature des relations entre ces quatre catégories d’acteurs ; autorité publique compétente – entreprises mandatées – bénéficiaires – régulateur, restent toutefois très conceptuelles. Elles ont pour objectif de couvrir un grand nombre de services d’intérêt général différents et des modalités très diversifiées de mise en œuvre effective.

Toutefois, dans ces grands principes, la gouvernance du logement social dans l’Union européenne et ses Etats-membres s’opère effectivement par le jeu des acteurs en présence que sont les autorités publiques compétentes, les entreprises de logement social mandatées et les habitants des logements sociaux ou leurs représentants.

La notion de régulateur du logement social est cependant moins présente dans les Etats-membres à l’exception du Royaume-Uni ou des agences gouvernementales exercent au niveau régional un rôle de régulation couplé à un rôle de financement du logement social telle la Housing Corporation en Angleterre en cours de réforme ou Communities Scotland en Ecosse.

Dans les autres Etats-membres, les fonctions de régulateur sont assurées par les parties prenantes du service d’intérêt général, soit par les autorités publiques compétentes dans une large majorité d’Etat-membre, au niveau national ou au niveau local les autorités publiques locales pouvant assurer une fonction d’ « autorité de logement », soit par la profession elle-même dans les cas de mise en place d’autorégulation professionnelle comme récemment aux Pays-Bas.

Les autorités publiques compétentes

En matière de logement social, la notion d’autorité publique compétente renvoie à un ensemble d’autorités publiques différentes qui se partagent la compétence logement dans le cadre d’une répartition souvent complexe de responsabilités entre les niveaux nationaux ou fédéraux, les niveaux régionaux notamment pour les grands Etats-membres et les niveaux locaux.

Même si le processus de décentralisation qui a caractérisée les politiques du logement social dans les années 80 et 90 a conduit à renforcer les niveaux régionaux et locaux, les articulations de compétences à titre d’exemple entre le Bund, les Länder et les Communes en Allemagne ou entre l’Etat central, les Départements, les regroupements de Communes, les Communes et les représentants locaux de l’Etat central en France, posent en soit des problèmes de gouvernance quant à la définition du service d’intérêt général, aux conditions de sa mise en œuvre et de sa programmation et surtout de son financement.

Cette gouvernance peut conduire, comme en France, à ce que l’Etat oblige les autorités publiques locales à disposer d’au moins 20% de logements sociaux sur leur territoire, tout en leur interdisant d’en construire au motif de leur trop grande concentration.

Par ailleurs, les conditions de définition et de mise en œuvre effective du service d’intérêt général du logement social, en tant qu’activité de nature économique, relèvent également d’une articulation de compétence entre les autorités publiques de l’Union européenne, par les dispositions du Traité et du droit dérivé, et les autorités publiques des Etats-membres.

Ainsi, la notion d’autorité publique compétente en matière de logement social doit-elle intégrer de fait quatre niveaux principaux de gouvernement :

- le niveau communautaire ;

- le niveau national ou fédéral ;

- le niveau régional ;

- et le niveau local.

La compétence de l’autorité publique au niveau communautaire

L’autorité publique compétente au niveau communautaire dispose d’un rôle plus important qu’on ne veut bien lui reconnaître en matière de logement social.

L’absence de compétence exclusive de l’Union européenne en matière de logement et l’affirmation du principe de subsidiarité conduisent en effet les autorités publiques compétentes dans les Etats-membres à minorer le rôle de l’autorité publique communautaire.

Et pourtant, les dispositions du Traité et du droit dérivé lui confèrent d’importantes responsabilités et compétences, notamment :

- La compétence de contrôler l’erreur manifeste de la qualification par une autorité publique d’un Etat-membre du service d’intérêt général du logement social et d’imposer ainsi sa propre définition du logement social au moyen d’une décision communautaire de la Commission européenne ou d’un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes. L’exemple du précontentieux en cours entre la Commission européenne et les Pays-Bas sur la définition du logement social et sur les conditions d’estimation d’une surcapacité d’offre de logements sociaux illustre parfaitement le caractère structurant de la compétence de l’autorité publique communautaire en matière de logement social ;

- La compétence de contrôler la compatibilité des aides publiques et des droits exclusifs liés au financement du logement social octroyés par les autorités publiques des Etats-membres aux entreprises de logement social et celle de définir les exigences et paramètres de ce contrôle, y compris les conditions de rapport des autorités publiques compétentes dans les Etats-membres à l’autorité publique compétente au niveau communautaire en l’occurrence les services en charge de la concurrence au sein de la Commission européenne ;

- La compétence de définir les conditions d’exécution des missions d’intérêt général du logement social, notamment la définition du caractère in-house de l’entreprise de logement social, les conditions de délégation ou de mandatement de ces missions à des prestataires externes, notamment aux entreprises de logement social, au regard des dispositions relatives aux marchés publics ou découlant des principes généraux du Traité de transparence, d’égalité de traitement et de non discrimination,

- La compétence de définir les conditions d’application de taux réduits de TVA au logement social en tant que mode de financement à part entière du logement social,

- La compétence de contrôler la conformité aux dispositions du Traité des droits spéciaux sous forme de régimes d’autorisation, d’agrément spécifique ou de conventionnement octroyés aux entreprises de logement social ou à des réseaux bancaires assurant le financement public du logement social comme en France,

- La compétence de définir les conditions d’éligibilité du logement social aux fonds structurels communautaires dans le cadre de la politique de cohésion.

La notion d’autorité publique communautaire est elle-même à géométrie variable et fonction des thèmes couverts :

- La Commission européenne dispose d’une compétence exclusive de contrôle des aides d’Etat au logement social en tant qu’autorité de concurrence mandatée par les Etats-membres à travers le Traité. Elle dispose également d’une compétence plus globale de gardienne du Traité et veille à l’application effective du droit communautaire. A ce titre, elle assure la gestion des précontentieux et le traitement des recours éventuels dans le secteur du logement social notamment en matière de droits exclusifs et spéciaux ;

- Le Conseil dispose d’une compétence exclusive en matière fiscale et de définition des taux de TVA applicables au logement social ;

- Le Conseil et le Parlement agissant en tant que co-législateur sur proposition de la Commission, sont compétents notamment en matière de marché intérieur, de politique énergétique ou de politique régionale en lien avec le logement social ;

- Enfin, la Cour de Justice qui arbitre les différents entre la Commission européenne et les Etats-membres dans l’interprétation du droit communautaire applicable au logement social. Ici également, la nature des relations entre ces quatre institutions renvoie à elle seule à une problématique de gouvernance.

L’articulation des compétences entre les autorités publiques des Etats-membres

Jusqu’à une période récente, les autorités publiques centrales ou fédérales jouaient un rôle prépondérant, voire exclusif, dans la définition et la mise en œuvre des politiques de logement social.

Ce rôle est aujourd’hui dévolu, sauf exception, aux autorités locales en référence soit à un cadre législatif régional pour les grands Etats-membres à structure fédérale ou unitaire régionalisée, soit un à cadre national pour les petits Etats-membres ou les Etats-membres centralisés.

Ce processus observé dans l’ensemble des Etats-membres, y compris par des formes hybrides conjuguant décentralisation et déconcentration dans les Etats-membres centralisés, traduit un mouvement structurel de décentralisation des politiques de logement social et de renforcement du rôle des autorités locales et régionales dans la définition du logement social, de ses modes d’organisation et de régulation.

Ce processus observé dans les années 80 et 90 en Espagne par la montée en puissance des Communautés autonomes et de leur plan pluriannuel du logement, en Italie avec le transfert de compétence opéré de l’Etat central aux Régions, en Belgique également avec la régionalisation du logement social ou aux Pays-Bas par le renforcement du rôle des Communes, participe d’un processus plus global de modernisation du logement social et d’adaptation d’un secteur à la diversification des situations et des besoins sur les marchés régionaux et locaux du logement en liaison avec le développement économique territorial.

L’Allemagne, disposant jusqu’à présent d’une compétence dite concurrente entre le Bund et les Länder en la matière, a réformé début 2007 ses grands principes fédéralistes en déléguant sa compétence en matière de logement aux Länder.

Le Bund renonce ainsi à l’exercice de sa compétence concurrente. Une dotation annuelle globale de 600 millions d’euros sera versée par le Bund aux Länder en compensation de ce transfert de compétence.

Chaque Land est ainsi pleinement compétent à définir sa propre politique du logement social et ses propres instruments d’intervention à l’exception de l’aide à la personne (Wohngeld) qui demeure de la compétence fédérale mais qui s’accompagne de barèmes régionaux.

Ainsi pouvons-nous identifier quatre catégories d’Etats-membres en matière de répartition des compétences entre autorités publiques :

- Une compétence exclusive des autorités publiques régionales mise en œuvre par les autorités locales (Allemagne, Belgique) dans le cadre d’Etats fédéraux ;

- Une compétence concurrente ou partagée entre les autorités publiques nationales et les autorités publiques régionales mise en œuvre par les autorités locales (Autriche, Espagne, Italie, Pologne, Royaume-Uni), grands Etats unitaires ou fédéraux mais fortement régionalisés ;

- Une compétence exclusive des autorités publiques nationales mise en œuvre par les autorités locales (Lettonie, Lituanie, Suède, Pays-Bas Luxembourg, République Tchèque, France, Portugal, Chypre, Slovaquie, Slovénie, Estonie, Hongrie, Irlande, Finlande, Danemark, Bulgarie, Roumanie), petits Etats-membres à deux niveaux principaux d’administration ou grands Etats-membres centralisés ;

- Une compétence exclusive des autorités publiques nationales mise en œuvre directement (Grèce, Malte).

Au terme des processus de décentralisation observé, la répartition-type des compétences entre les niveaux centraux, régionaux et locaux peut s’établir selon les principes suivants :

- L’autorité publique centrale établit le cadre légal d’intervention et les conditions de financement du logement social et affecte une dotation aux autorités régionales ou locales afin de cofinancer leur politique du logement social,

- L’autorité régionale définit sa propre politique du logement social en référence à ses besoins propres et ses priorités, assure la programmation territoriale de l’offre de logements sociaux et abonde les financements octroyés par l’autorité centrale,

- L’autorité locale met en œuvre localement les programmes de logements sociaux soit en régie soit au moyen d’entreprises sur lesquelles elle assure un contrôle soit en sélectionnant d’autres entreprises de logement social, abondent quand c’est nécessaire les financements régionaux, mobilise le foncier, impose les obligations spécifiques voire participe à leur mise en oeuvre effective notamment en matière d’attribution des logements sociaux qu’elle assure directement ou qu’elle pilote. Cette mise en œuvre s’inscrit dans le cadre de sa propre politique locale du logement et répond à ses obligations, définies par la loi, consistant à permettre aux personnes ayant un lien permanent avec son territoire de se loger. Ainsi, l’autorité publique de référence dans ce système présent dans une très large majorité d’Etats-membres, est l’autorité régionale ou locale car elle est à l’origine de l’identification des besoins à satisfaire, de la programmation physique de l’offre et de sa mobilisation, de l’octroi effectif des compensations et de la formalisation du mandatement et des conditions de respect des obligations de service public. Elle est également à l’origine du choix effectif des modalités d’exécution du logement social, soit en interne en régie, soit au moyen d’entreprises sur lesquelles elle assure un contrôle (in-house) soit au moyen d’autres entreprises de logement social présentes sur son territoire.

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