Parce que l’avenir du logement social se joue aussi à Bruxelles

Accueil > L’état du logement dans l’Union > Loyers > Loyers

Loyers

Parmi les obligations de service public propres au logement social, la politique tarifaire constitue la seconde caractéristique essentielle et se traduit dans le logement locatif social par une politique spécifique de définition des niveaux de loyers et de leur évolution, et dans le logement social destiné à la vente, par des prix plafonds pour les logements offerts à la vente.

Ces obligations tarifaires découlent de l’objectif d’accessibilité financière des logements sociaux définis par les autorités publiques.

Elles s’inscrivent dans les systèmes nationaux d’aide sociale et d’allocation de logement et visent à garantir un taux d’effort acceptable, c’est-à-dire une dépense logement compatible avec le niveau de revenus des ménages bénéficiaires, incluant les revenus de transfert dont ils peuvent bénéficier et le niveau minimum acceptable de « reste à vivre », c’est-à-dire le revenu effectivement disponible par le ménage une fois prélevée la dépense logement.

L’étude comparée de la politique des loyers des parcs locatifs sociaux des Etats membres de l’Union européenne permet d’identifier deux logiques quant aux modalités de fixation des niveaux des loyers :

Une logique économique : Celle-ci prône la vérité des prix et des coûts, à savoir que le niveau de loyer facturé au locataire doit permettre d’équilibrer durablement l’exploitation du parc locatif social, c’est-à-dire être fixé en fonction des paramètres économiques en termes de dépenses (remboursement des emprunts, gestion quotidienne, entretien, provisions pour grosses réparations).

Cette logique économique aujourd’hui dominante, repose sur l’externalisation de la prestation par le mandatement d’entreprises de logement social indépendantes, publiques ou privées, ayant obligation d’équilibrer leur compte d’exploitation, et sur le principe que toute minoration du loyer effectivement facturé au bénéficiaire doit être compensée par une minoration des coûts, c’est-à-dire l’accès à un foncier à moindre coût, une aide publique à l’investissement, à l’exploitation ou être induite par une aide accordée directement au locataire (allocation de logement) qui prend en charge une partie du loyer facturé par l’organisme.

Ces politiques tarifaires se traduisent par l’instauration de loyers aux coûts réels intégrant les compensations accordées à l’entreprise de logement social ou de loyers plafonds fixés par les autorités publiques compétentes.

Les niveaux de loyers découlant de ces politiques tarifaires sont ainsi déconnectés des niveaux de marché et directement déterminés par les autorités publiques compétentes.

Cette politique tarifaire, caractérisée par un loyer aux coûts ou plafonnés couplé avec un système d’aide personnelle au logement, est présent notamment en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Finlande, Finlande, en France, aux Pays-Bas et en Suède.

Une particularité forte de la Suède réside dans l’obligation de service public imposée aux sociétés communales de logement d’associer les représentants locaux des locataires dans la fixation des niveaux des loyers et de leurs évolutions annuelles. Ces négociations, rendues obligatoires par la loi et qui s’imposent aux sociétés communales de logement, conduisent à la définition de niveaux de prix et de leurs évolutions qui servent de référence dans le parc locatif privé en cas de contentieux.

Une logique politique : Celle-ci vise à offrir des logements sociaux à très faible niveau de loyers, voire à le moduler en fonction des revenus des bénéficiaires, en reléguant au second plan les considérations économiques d’équilibre d’exploitation et de reproductibilité.

Cette logique propre à la gestion de logements sociaux en régie par les Collectivités locales, les Régions ou les Etats est en voie d’extinction car elle ne répond plus aux normes actuelles de gestion des fonds publics, de qualité du service aux bénéficiaires et conduit à une impasse quant à la gestion dans le temps du parc locatif social en raison du défaut d’entretien et de réhabilitation qu’elle induit.

A l’exception d’Etats membres tels l’Irlande, le Portugal ou Malte, les autorités publiques ont tendance à externaliser la gestion, voire la propriété de ce patrimoine public, en le transférant à des entreprises de logement social qu’elles mandatent à cet effet.

Ce transfert de propriété s’accompagne d’une évolution de la politique tarifaire dans le sens d’un loyer aux coûts à l’exemple des Pays-Bas et du Royaume-Uni.

On retrouve cependant ces systèmes de loyers en fonction des revenus dans les logements locatifs sociaux en Italie, en Belgique et au Luxembourg, Etats membres dans lesquels n’ont pas été développés des systèmes d’aide personnelle au logement en direction des locataires.

Bien que relevant d’entreprises indépendantes de logement social, en Italie les entreprises territoriales du logement, en Belgique les sociétés immobilières de service public et au Luxembourg le Fond du logement à coûts modérés, ces pratiques de loyers en fonction des revenus sont soit compensées par des subventions d’exploitation garantissant l’équilibre d’exploitation (Belgique et Luxembourg) soit par une péréquation interne à l’entreprise de logement social et le développement d’autres activités lucratives en compensation (Italie).

Au Portugal, la fonction de construction de nouveaux logements locatifs publics a été transférée de l’Etat aux communes et la politique des loyers a été redéfinie, passant d’un loyer fixe très bas à un loyer dont le montant est fonction du revenu du ménage locataire. Le parc résiduel de l’Etat a été confié à l’IGAPHE, établissement public d’Etat qui est chargé de le gérer et de le vendre aux occupants mais sans véritable succès compte tenu de la modicité des loyers. L’exploitation des logements gérés par les Communes peut être équilibrée si la structure d’occupation du parc n’est pas trop concentrée sur les ménages à très faibles revenus.

En Irlande, les communes ont conservé la responsabilité de construire et de gérer le parc public mais les niveaux des loyers sont progressivement réajustés de façon à couvrir les dépenses d’exploitation. Ces réajustements de loyers ont pu être compensés par le Housing Benefit (aide à la personne).

En Belgique et au Luxembourg, les loyers sont fixés en fonction des revenus des ménages et le déficit d’exploitation est couvert par une subvention accordée par les régions en Belgique et par l’Etat au Luxembourg.

En Belgique, l’introduction relativement récente de ces subventions d’exploitation compensatrices a été rendue nécessaire compte tenu de l’accentuation de l’occupation sociale du parc public et des niveaux d’endettement des sociétés immobilières de service public.

Conséquences des politiques tarifaires En l’absence de provisions pour entretien et pour grosses réparations et compte tenu de la logique administrative, les parcs locatifs sociaux gérés en régie sous ces conditions de politique tarifaire disposent en général d’un déficit d’entretien et de grosses réparations et restent caractérisés par un faible niveau de qualité de service et d’équipement.

La réhabilitation de ce parc passe alors par son transfert d’exploitation et/ou de propriété. Les évolutions les plus significatives en la matière ont eu lieu au Royaume-Uni, en Allemagne suite à la réunification et dans les nouveaux Etats membres.

En Allemagne, le parc locatif social public de l’ex RDA, qui appartenait à l’Etat est allemand, a fait l’objet d’un démantèlement et a été transféré à des acteurs indépendants, sociétés de logement ou coopératives d’habitations. Près de 3 millions de logements ont par conséquent quitté leur statut de logement social public et ont acquis un statut de droit privé puisqu’ils sont considérés aujourd’hui comme des logements locatifs privés et disposent d’une réglementation des loyers identiques à celle du parc privé.

Il est intéressant de noter que ces logements publics n’ont pas été transformés en logements sociaux au sens de la définition de la loi fédérale de 1958 sur les logements conventionnés socialement, mais qu’ils ont été délibérément transformés en logements privés.

Une partie d’entre eux a été privatisée par la vente à leur occupant, et la majeure partie du parc est gérée aujourd’hui par des sociétés immobilières privés indépendantes. Bien entendu, les loyers fixés à des niveaux symboliques ont été réajustés et progressivement amenés, par pallier, à ceux du secteur privé.

Cet ajustement des loyers a été possible socialement en raison de l’instauration d’un régime dérogatoire et temporaire de Wohngeld (allocation de logement allemande) dans l’attente de l’application du régime général de Wohngeld existant dans l’ex-RFA.

Au Royaume-Uni, la transformation du parc public des communes revêt une dimension idéologique nettement plus marquée car ce fut la priorité du gouvernement Thatcher dès son arrivée au pouvoir en 1989.

La compétence des communes en matière de production de logements sociaux a été transférée aux Housing Associations, bailleurs sociaux agréés composés d’associations privées charitables. Le parc locatif social communal a fait l’objet de nombreuses mesures de réformes dont :

- la politique de vente aux locataires par le droit accordé à chaque locataire d’acheter son logement (right to buy) à un prix fixé par le gouvernement en fonction de la durée d’occupation du logement ;

- la politique de transfert du parc public à des bailleurs sociaux agréés sur décision d’une majorité des locataires (right to pick a landlord) et l’évolution progressive des loyers vers un loyer aux coûts réels ;

- la réforme du compte d’exploitation des logements publics et l’obligation faite aux communes d’isoler ce compte d’exploitation du budget communal et d’équilibrer la gestion du parc résiduel par les recettes locatives, c’est à dire d’élever le niveau général des loyers. Cette évolution a contribué à accroître parallèlement les dépenses d’aide à la personne (Housing Benefit).

Dans les nouveaux Etats membres, à l’exception de Chypre et de Malte, le parc locatif public constitué sous la période communiste jusqu’à la chute du mur de Berlin, a d’abord été transféré de l’Etat aux collectivités locales avant d’être offerts à la vente aux locataires à prix réduits.

Là également, la politique tarifaire n’a pas permis d’assurer un entretien suffisant d’un parc de logements publics composé pour l’essentiel de grands ensembles d’immeubles construits selon la technique de panneaux préfabriqués.

La corrosion qui s’y est développée en raison de défauts d’étanchéité entre les panneaux, le faible niveau de performance énergétique de ces immeubles posent aujourd’hui de graves problèmes de réhabilitation de ces grands ensembles qui sont gérés dans le cadre de copropriétés privées, composées des anciens locataires s’étant portés acquéreur de leur logement mais ne disposant pas des ressources nécessaires au financement de ces dépenses de restructuration et de mise aux normes.

Ces copropriétés privées, n’étant pas explicitement mandatées d’une mission d’intérêt général, se voient refuser par la Commission européenne les aides publiques que les Etats membres, notamment la République Tchèque, souhaiteraient leur allouer au motif de distorsion de concurrence sur le marché immobilier communautaire .

Les choix opérés par les autorités publiques en matière de politiques tarifaires s’avèrent déterminants quant à la viabilité économique du secteur, à la qualité du service et sa continuité. Les systèmes publics et internalisés fondés sur un loyer politique déterminé indépendamment des coûts de fourniture du service ont conduit soit à leur externalisation par mandatement d’entreprises de logement social indépendantes, soit à la vente aux occupants et ainsi au transfert des dépenses de réhabilitation de l’autorité publique au locataire acquéreur, ce qui est très clair au Royaume-Uni et dans les nouveaux Etats membres, soit au transfert pur et simple dans le parc locatif privé comme dans l’ex RDA.

La généralisation des politiques tarifaires fondées sur un loyer aux coûts réels ou plafonnés est donc une tendance lourde dans l’Union européenne. L’accessibilité effective des logements sociaux dépend ainsi directement autant des aides à l’investissement et à la réhabilitation permettant de réduire les coûts de fourniture de logements sociaux de qualité que des aides personnelles au logement accordées directement ou en tiers payant aux bénéficiaires en fonction de leur caractéristique propre.

$(document).ready(function() { $("#site").addClass("'.$mode.'"); }); '; ?>