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Relation aux locataires

Une des particularités du mode de gouvernance du logement social, comparé à d’autres services d’intérêt général communément admis tels les transports, l’énergie, les télécommunications ou la santé, est la forte implication des ménages bénéficiaires dans la gestion du service d’une part et dans le fonctionnement de l’entreprises de logement social qui est chargée de son exécution d’autre part.

Cette particularité peut s’expliquer aisément par la nature spécifique du service, le caractère continu, permanent de l’occupation du logement et son rôle prépondérant dans la vie quotidienne du ménage bénéficiaire.

Elle relève également d’obligations spécifiques de service public que l’on ne retrouve pas dans les autres services d’intérêt général, tant du point de vue de la définition du service et de son prix, que de l’évaluation de sa qualité et des modes spécifiques de gouvernance des entreprises de logement social imposés dans le cadre de l’agrémentation préalable ou de son mandatement. Il s’agit d’une spécificité forte du logement social.

Cette particularité est très développée dans les Etats-membres scandinaves, notamment en Suède où les sociétés communales de logement sont obligées de négocier leur politique tarifaire avec les ménages bénéficiaires, notamment la fixation initiale des loyers et leurs évolutions annuelles avec les associations locales de locataires. Transposer à d’autres services d’intérêt général, cela reviendrait à imposer aux fournisseurs d’énergie, de télécommunications ou de transport ferroviaire de négocier leurs tarifs avec leurs abonnés ou leur représentants…

Le bénéficiaire du logement social intervient donc ici directement dans la politique tarifaire de l’entreprise de logement social.

Au Danemark, la loi sur la démocratie des locataires impose également un très haut niveau d’implication des locataires dans la gestion courante du service d’intérêt général.

En effet, en 1984, les dispositions tenant à la participation des locataires dans les sociétés coopératives de logements d’utilité publique ont été étendues à l’ensemble des sociétés immobilières d’utilité publique.

Cette loi sur la démocratie des locataires détermine les conditions de représentation et de participation des locataires au sein de chaque « conseil de section », unité décentralisée de gestion établie au niveau du quartier ou d’un ensemble d’immeubles.

La responsabilité de la gestion courante est assurée par un comité de surveillance composé exclusivement de locataires. La direction d’une société immobilière d’utilité publique se compose d’une autorité suprême (assemblée générale, conseil ou municipalité selon le statut de la société) qui détermine les orientations principales, et d’un conseil de surveillance à qui reviennent les fonctions principales de gestion de la société. Ce conseil est composé uniquement ou majoritairement de locataires, des élus de la commune ou des syndicats pouvant également y être représentés.

Dans chaque section économiquement autonome, le pouvoir de décision des locataires est organisé comme suit. La section se réunit au moins une fois par an, l’assemblée étant ouverte à l’ensemble des bénéficiaires. Chaque ménage dispose de deux voix. L’ordre de jour de l’assemblée générale comprend les comptes de la section, les travaux de réhabilitation et de modernisation, le règlement intérieur, le vote du budget et l’élection du Conseil de section. Le Conseil de section élu au terme de l’Assemblée générale a pour objet principal d’assurer une surveillance de la gestion courante et de l’entretien, d’approuver les budgets et de décider des travaux d’entretien et de réhabilitation de la section. Les décisions relatives à la création et à l’utilisation des équipements ou de services collectifs complémentaires au logement social (salles de réunion, restaurants associatifs, crèches...) et à l’organisation de loisirs sont également de son ressort. Il est un élément structurant de la vie sociale dans les quartiers. Lors d’une réunion collective de l’ensemble des conseils de section, est élu le Conseil de surveillance de la société et sont débattus les problèmes communs à l’ensemble des sections autonomes.

Le principe de "démocratie des locataires" constitue le coeur du mode de gouvernance et d’organisation du secteur locatif social au Danemark et en fait sa spécificité. Par leur influence sur la prise de décisions et par leurs responsabilités, les bénéficiaires des logements sociaux se sentent engagés et plus attachés à leur quartier que dans les autres Etats-membres.

Au Royaume-Uni, des pratiques similaires d’implication des bénéficiaires de logements sociaux dans la définition et la mise en œuvre des programmes de régénération urbaine de quartiers difficiles ont également été particulièrement efficaces en termes d’appropriation des projets et de participation des bénéficiaires à leur réussite dans la durée.

La nature même du service d’intérêt général du logement social s’inscrit en effet dans une logique de co-production du service entre l’entreprise chargée de son exécution et les ménages bénéficiaires. Son incidence sur la qualité effective du service rendu est incontestable.

Au Danemark par exemple, il est apparu que les décisions concernant la gestion étaient accueillies différemment lorsque les personnes affectées avaient eu la possibilité de les discuter et de les approuver elles-mêmes. Les divers problèmes se posant dans un quartier sont soulevés très rapidement et peuvent être traités immédiatement et à moindres coûts. Les représentants des locataires acceptent aujourd’hui leur part de responsabilité dans la situation financière du quartier.

Ainsi, leurs exigences de qualité et de diversité des équipements collectifs se répercutent directement sur le niveau du loyer, ce qui est clairement reconnu et accepté. L’application de ce principe a permis d’améliorer la qualité de l’environnement et de la vie sociale dans les quartiers et de mieux résoudre les problèmes de gestion courante.

Mais la participation des locataires ne se décrète pas. Elle suppose une motivation préalable des intéressés et une prédisposition à des formes collectives de vie et de responsabilité, elle exige surtout un niveau de formation et une capacité de prise de décision des ménages bénéficiaires.

Ainsi, l’information et la formation ont acquis une importance croissante dans la vie des conseils de section. Des stages sont organisés, portant sur la politique du logement et son financement, sur les techniques de gestion patrimoniale, sur les choix et contraintes en matière de réhabilitation. Ces stages, ouverts conjointement aux salariés des entreprises de logement social et aux ménages bénéficiaires, sont organisés par la Fédération nationale du logement social (Boligselskabernes Landsforening ), qui dispose d’un centre de formation spécialisé.

Ménages bénéficiaires, usagers, clients, consommateurs : quelle gouvernance participative ?

La nécessité d’impliquer les bénéficiaires dans la gestion de leur logement, immeuble ou quartier est devenue depuis quelques années une problématique commune aux Etats membres.

On est passé progressivement d’un rapport où l’autorité publique et l’entreprise de logement social disposaient d’une position de force vis à vis des bénéficiaires : ils imposaient leurs choix architecturaux, urbanistiques, leurs modes de gestion etc… Le locataire était plus considéré comme un usager captif que comme un client.

On arrive aujourd’hui progressivement au rétablissement d’un rapport plus équilibré entre l’autorité publique, l’entreprise mandatée et le ménage bénéficiaire.

En effet, dans l’ensemble des Etats membres, les autorités publiques et les entreprises de logement social ont pris conscience qu’il fallait chercher à mieux articuler les exigences des ménages bénéficiaires avec les choix qu’ils opéraient.

Face aux difficultés que peuvent connaître les entreprises de logement social, notamment les problèmes de qualité du cadre de vie, les ménages bénéficiaires peuvent contribuer largement à l’échec d’un projet mené sans eux auquel ils n’adhèrent pas.

Si la décentralisation de la gestion et le développement d’antennes de proximité semblent aujourd’hui être reconnus pour leur efficacité, les réflexions et les pratiques en matière de participation des habitants restent quant à elles inégalement développées au sein des Etats-membres.

En effet, la participation des habitants chez certains Etats-membres est source de difficultés majeures : elle complexifie le jeu des acteurs « institutionnels », elle peut avoir un coût financier conséquent et retarder l’exécution des projets. Les relations sont difficiles à établir. Et surtout, elles ne font pas partie des pratiques et des cultures courantes et se résument à un rapport de force classique entre propriétaire bailleur et locataires.

Au Royaume Uni par exemple, la consultation des ménages bénéficiaires est devenue une condition sine qua non pour la conduite de grands projets de renouvellement urbain, de démolition, de régénération économique et urbaine.

Il ne s’agit pas d’une simple information une fois le projet négocié entre l’autorité publique et l’entreprise de logement social mais d’une véritable participation des habitants à l’élaboration du projet qui sera présenté par l’entreprise de logement social à l’autorité publique, participation qui va conditionner l’obtention des financements publics.

Par exemple, à Birmingham, un projet de renouvellement urbain a été lancé sur base de la mise en concurrence de trois Trust de régénération urbaine différents. Ils ont eu deux ans pour assurer le niveau de formation et d’implication des locataires. Le Trust qui a été sélectionné a investi plusieurs millions d’euros pendant deux ans pour impliquer les habitants dans le projet avant même que celui ci ne soit mis en route.

Plus généralement, la participation des habitants fait partie des indicateurs de performance dans le processus de notation et de monitoring des bailleurs sociaux agréés par leur régulateur (best value), ainsi, cette notion fait-elle partie intégrante du « produit logement social » final.

Le projet qui obtiendra l’aide publique est un projet qui forcement a impliqué les habitants en amont. L’autorité publique a ainsi financé le "tenant participation advisory" qui a pour objet de représenter les intérêts des habitants et des propriétaires et de favoriser leur participation.

Dans le cas du Royaume-Uni, la participation des habitants va au delà de la simple gestion des logements sociaux, elle s’inscrit dans une logique de politique sociale. Associer les habitants à la conduite de projets non seulement conditionne leur réussite à long terme mais favorise également l’inclusion de personnes en grandes difficultés socio-économiques.

L’évaluation de ces pratiques s’avère aujourd’hui positive sur les plans sociaux et économiques. Certes, la mobilisation des locataires doit constamment être entretenue et les procédures d’adoption sont plus lourdes et plus longues. Mais ces considérations s’effacent eu égard aux économies réalisées en matière d’entretien, de qualité de vie et de qualité du service rendu, en particulier l’amélioration de la vie collective dans les quartiers de logement social en difficulté.

En Suède, une disposition vise à donner aux locataires un droit de préemption en cas de vente de la société communale de logements ou de ces logements, ces sociétés pourraient alors se transformer en fondation de gestion dans lesquelles les locataires joueraient un rôle central en ayant la possibilité de gérer eux mêmes les logements.

L’objectif étant de permettre aux locataires de jouer un rôle prépondérant dans la gestion courante des sociétés en dissociant propriété et gestion du patrimoine. L’entreprise de logement social gardant ses compétences pour toutes les décisions relevant d’un autre niveau que la gestion courante. Le gouvernement écossais a également fait une proposition dans ce sens en permettant à des coopératives de locataires de se créer au moment du transfert du parc communal à des bailleurs sociaux agréés, ayant pour compétence la gestion courante de leur quartier.

Dans les autres Etats-membres, la participation des locataires peut ne pas faire partie de la tradition ou de la culture dominante. Certes, il existe une réglementation qui encadre les relations entre les entreprises de logement social et les ménages bénéficiaires.

En général, elles s’organisent autour de la représentation des locataires dans les conseils d’administration des entreprises de logement social, de la négociation des charges locatives et de la consultation préalable sur certains types d’opérations. Elle reste toutefois formelle et relève plus d’une exigence de transparence que d’une démarche d’implication, de formation et de renforcement de leur capacité à agir.

En Allemagne, l’initiative « ville sociale », adoptée le 25 juin 1998, s’est fixée pour objectif principal la participation des citoyens dans leur quartier. Plus qu’une réflexion, la participation des habitants est devenue, en peu de temps, un enjeu politique.

Et on observe beaucoup d’expérimentations de participation et d’implication des habitants notamment en Grèce pour la construction du village olympique, en Espagne dans la ville de Barcelone, ou encore à Lisbonne avec la mise en place d’entreprise chargée en partie des relations avec les locataires.

Parallèlement aux évolutions constatées dans les Etats membres, l’Union européenne est également très sensible à la problématique de la participation des habitants.

Dans son cadre d’action pour un développement urbain durable adopté en 1998, la Commission européenne y affirme que "la bonne gouvernance urbaine et le renforcement de la capacité locale à agir constituent des facteurs absolument essentiels pour améliorer la qualité de la vie dans les villes(…) Pour accroître la qualité de la gouvernance urbaine, il est nécessaire d’améliorer l’intégration verticale entre différents niveaux de pouvoirs (…) ainsi que la participation des intéressés et des citoyens en général aux politiques urbaines."

Ainsi elle encourage la participation active des habitants en favorisant les approches innovantes et l’échange d’expériences en matière de bonne gouvernance urbaine. La bonne gouvernance du logement social s’y inscrit pleinement.

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